Session Overview |
Wednesday, June 05 |
13:30 |
Vivre avec l'irréversible : diversité des trajectoires de deuil dans le grand âge
* Marc-Antoine Berthod, Haute école de travail social et de la santé Lausanne (HETSL | HES-SO), Switzerland Alexandre Pillonel, Haute école de travail social et de la santé Lausanne (HETSL | HES-SO), Switzerland La mort d’un proche induit souvent pour les personnes en deuil d’importantes adaptations, tant pratiques et organisationnelles qu’affectives et relationnelles. Juste après le décès, il convient de prendre des décisions sur les soins à prodiguer à la personne défunte ; d’organiser les obsèques et d’entreprendre des actions de commémoration en vue de poursuivre au quotidien avec l’irréversibilité de la perte. Comment ce temps de transition est-il vécu et appréhendé par les personnes âgées de plus de quatre-vingts ans sachant que ces personnes sont avant tout incitées à réfléchir à leur propre mort, en particulier par le biais des directives anticipées, de discours psychologiques et biomédicaux ou de dispositifs d’accompagnement de fin de vie ? Cette communication propose d’apporter quelques éclairages sur cette question, à partir d’une recherche ethnographique en cours, financée par le Fonds national suisse, dans les cantons de Genève, Neuchâtel et Vaud. Cette dernière documente une pluralité de situations, par le biais d’entretiens et d’observations réalisées dès les premières discussions que ces personnes âgées ont avec les conseillers funéraires pour organiser les obsèques d’un proche ; à cela s’ajoute des temps de participation à la préparation des corps avec les équipes funéraires, à la cérémonie d’adieu avec les familles ou encore à la verrée qui peut suivre. Des entretiens sont par la suite menés avec ces personnes âgées de plus de quatre-vingts ans, et parfois avec certains de leurs proches, à plusieurs reprises, jusqu’au terme de leur première année de deuil. Sur la base des matériaux collectés, cette communication présente et discute la diversité des trajectoires de deuil dans le grand âge. Il s’agit de faire ressortir quelques enjeux sous-tendant cette problématique : les trajectoires relationnelles et les expériences de deuil antécédentes ; la phase de préparation à la mort de l’autre ; les contextes socio-économiques, relationnels, sanitaires, culturels et religieux qui influencent chacun à leur manière et selon une intensité variable la vie quotidienne. Autant de situations de deuil en temps de retraite avancée que nous avons documentées pour fournir un contrepoint aux risques décrits dans la littérature de banalisation du deuil dans le grand âge. |
13:50 |
Au croisement des territoires et des trajectoires de vie : déprises individuelles et appropriations différenciées selon les contextes
* Myriam Leleu, Haute Ecole Louvain en Hainaut, Belgium Les personnes aînées, trop souvent reléguées à l’arrière-plan de la vie sociale, restent confinées dans un certain silence. Et pourtant que de richesses et de savoirs dans leurs paroles, qui relatent des expériences vécues dans des territoires multiples qui se transforment au gré des ans. Ces territoires ne sont pas seulement spatiaux, relevant de lieux de vie ancrés dans des domiciles, quartiers, villes et villages ; ils sont aussi sociaux, inscrits dans des cercles familiaux, de voisinage ou de loisirs. Les territoires sont ainsi à la fois ancrage dans des espaces privés ou publics, et inscription dans des relations formelles ou informelles. Les variations de leurs appropriations sont révélatrices d’enjeux individuels, collectifs, symboliques, socio-économiques et politiques. Trente cinq récits de vie réalisés en Région wallonne et en Région bruxelloise, dans une diversité de milieux urbains et ruraux, ouvrent un champ de paroles à des personnes de plus de 70 ans vivant à domicile ou en hébergement collectif. Les témoignages récoltés offrent des pistes de compréhension des modes d’appropriation des territoires et des stratégies d’ajustement mises en place pour affronter les effets du vieillissement et la fragilité qui s’installent au cours des ans. L’avancée en âge crée à la fois un ralentissement des temporalités et une précipitation d’événements qui peuvent être douloureux menant vers un sentiment de dépréciation identitaire, ou libératoires conduisant à des formes de déprise. Les événements marqueurs des trajectoires de vie mais aussi des éléments de contexte expliquent les attentes et possibilités d’adaptation des aînés. L’analyse montre en effet que ceux-ci entrent en négociation avec eux-mêmes, leur entourage et leur environnement dans des rapports revisités des territoires privés et des modes d’habiter, des territoires de vie et de proximité, des territoires publics et de la mobilité, des territoires institutionnels et de l’offre de services. |
14:10 |
Anticiper l'institution ? Les trajectoires résidentielles des personnes âgées aux prises avec la maladie d'Alzheimer
* Manon Labarchède, Projet ANR COMPAC - Laboratoire PASSAGES, UMR CNRS 5319, France L’entrée en établissement d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD) a souvent été abordée sous l’angle de la mobilité résidentielle contrainte, analysant notamment la complexité du processus pour les personnes âgées et leurs proches. D’autres travaux démontrent cependant, que sous certaines conditions, l’entrée en EHPAD peut être choisie et s’inscrit dans la continuité de la trajectoire personnelle et résidentielle. Parmi ces conditions, l’anticipation trouve un écho positif. Les raisons sont multiples : vision à long terme des difficultés, volonté de ne pas peser sur ses proches ou encore besoin de se sentir plus en sécurité. Cette communication interroge la relation entre anticipation, trajectoire résidentielle et institution à partir d’un cas particulier, celui des personnes atteintes de la maladie d’Alzheimer ou d’une maladie apparentée qui résident en EHPAD. Dans quelle mesure, l’identification progressive de certains troubles permet de projeter les limites du domicile ? La mobilité résidentielle vers l’établissement peut-elle être envisagée comme l’une des manières d’adapter sa trajectoire résidentielle en fonction de l’évolution de la maladie ? Cette mobilité résidentielle s’inscrit-elle dans une dynamique aidé.e.s/aidant.e.s en raison de la perte progressive, pour la personne malade, de sa capacité à exprimer ses volontés et à prendre des décisions la concernant ? La méthodologie s’appuie sur 21 entretiens semi-dirigés réalisés, dans le cadre de notre thèse, entre février 2018 et juin 2019 auprès de proches aidants accompagnant une personne atteinte de la maladie d’Alzheimer résidant en EHPAD. Nos résultats mettent en évidence l’importance de la logique du maintien à domicile dans la trajectoire résidentielle des personnes, bien au-delà du diagnostic posé. Elle connait cependant des limites face à l’évolution de la trajectoire de la maladie – qui renvoie de manière plus large à l’acceptation du diagnostic ou de l’évolution des troubles – mais aussi de la trajectoire d’aide construite autour de la relation aidant.e/ aidé.e. L’anticipation de la mobilité résidentielle varie alors en fonction des individus et de leur entourage et influe sur les conditions de l’entrée en EHPAD révélant les processus de décision et la place accordée à la personne malade dans les choix opérés. |
14:30 |
Trajectoires de vieillesse et bifurcations biographiques : vieillir chez soi en Martinique dans un contexte de crise du care
* Myrtille Ferné, EHESS, France Les trajectoires biographiques des personnes âgées en Martinique sont collectivement et individuellement marquées par l’histoire de la « Départementalisation » (depuis 1946), qui s’est notamment traduite par un renforcement de la dépendance à l’Hexagone, un mal-développement économique structurel, la mise en place de la protection sociale et l’émigration massive des populations actives. Dans le contexte actuel de vieillissement démographique, de plus en plus de personnes âgées en difficulté voient leurs besoins insatisfaits en raison de la précarité économique généralisée et de l’éloignement géographique de leurs proches. À partir de données ethnographiques recueillies entre 2019 et 2022 dans le cadre d’un doctorat de sociologie, nous nous intéressons aux impacts des dynamiques historiques, institutionnelles et familiales singulières de la société martiniquaise sur les conditions de vie à la vieillesse, ainsi qu’à la manière dont les individus, disposant de ressources différenciées, s’approprient, subissent ou refusent les solutions de care à leur disposition. |