Session Overview |
Thursday, June 06 |
10:30 |
Trajectoires de vieillissement et générations : tensions générationnelles à Cuba
* Blandine Destremau, CNRS Iris / EHESS, France Vieillir implique une place spécifique dans l'ordre des générations, socialisées dans des contextes historiques, politiques et sociaux, analysés en termes de systèmes culturels (Mannheim [1928]1952). L’approche par génération permet de mettre en lumière les contextes, événements et bifurcations qui ont affecté collectivement une cohorte, et ont marqué les trajectoires individuelles et les subjectivités. Elle est particulièrement heuristique pour comprendre les trajectoires de vieillissement à Cuba, dont le cours de l'histoire a été marqué par la révolution de 1959 et ses divers bouleversements et crises (Destremau, 2021 ; 2023). Les relations entre générations sont mises à l’épreuve par ces crises et les injonctions d’un État qui fait reposer un fardeau croissant sur les ménages. Elles sont imprégnées de tensions et de fractures autour des attentes, aspirations et systèmes de normes et de valeurs, exprimées dans les discours et les récits que j’ai collectés au cours de mon travail de terrain ethnographique de treize ans à Cuba. Ces relations et tensions sont au cœur de la « crise du care », que j’illustrerai à partir de vignettes ethnographiques. Les parcours de vieillissement sont également marqués par des vagues migratoires successives, qui configurent, travaillent, transforment les contours et dynamiques familiales et les relations au sein et entre générations, écartelées entre proximité et transnationalisation. Références Destremau, Blandine, Aging and Generations in Cuba. Unravelling the Care Crisis, Lexington Studies on Cuba, Rowman & Littlefield, 2023. Destremau, Blandine, Vieillir sous la révolution cubaine. Une ethnographie, Éditions de l'Institut des Hautes Études de l'Amérique Latine (IHEAL), Presses de l'Université Sorbonne Nouvelle, 2021. Mannheim, Karl. [1928]1952. “The Problem of Generations,” In Essays on the Sociology of Knowledge. London: Routledge and Kegan Paul : 276–320. |
10:50 |
S'engager dans la cohabitation intergénérationnelle solidaire : outils et leviers d'une recherche-projet en milieu associatif
* Thomas Watkin, Université de Nîmes, France La cohabitation intergénérationnelle solidaire (CIS) ouvre de nouvelles possibilités pour les personnes âgées face à l'isolement, à la quête de reconnaissance sociale pour vivre autrement de manière solidaire, conviviale et en commun. Elle offre une solution à une personne âgée, généralement jeune retraitée et encore active, de cohabiter avec un jeune. Le contrat établi entre les cohabitants par des associations s’appuie sur des dispositions comportementales et domestiques pour partager un espace de vie, respecter l’intimité, promouvoir l’entraide sans qu’elle soit une contrainte. La CIS s’inscrit dans cadre plus vaste de l’habitat et de l’intergénérationnalité pour les personnes âgées en répondant aux enjeux d’une société inclusive. Outre un certain succès médiatique depuis quelques années et un soutien réglementaire et institutionnel depuis 2018 (en France), le dispositif de la CIS nécessite une réelle transformation culturelle et de mode de vie pour se déployer au vu des besoins sociaux, ce que cela soit au niveau des séniors comme des jeunes. Aussi s’engager sur la communication et trouver des voies de diffusion pour se faire comprendre face à des publics différents constitue un enjeu majeur. Comment engager les bénéficiaires dans une telle dynamique par la recherche ? Quel engagement pour le chercheur dans un milieu associatif ? Notre contribution souhaite explorer les enjeux d’une recherche-projet menée de manière collaborative entre le milieu associatif, l’université et des agents d’un département et de l’action sociale. La recherche-projet constitue une démarche à la croisée de la recherche-action, recherche-création et recherche-intervention (Catoir-Brisson, Watkin, 2021) que nous articulons entre le design et la sociologie (Watkin, 2022). Nous analyserons les rouages de plusieurs enquêtes parallèles de cette démarche : par l’usage du design social permettant de mobiliser le chercheur en design, des bénéficiaires (habitants, intermédiaires) dans une dynamique participative, par une action engagée auprès d’acteurs nationaux et locaux, par des entretiens réalisés auprès de cohabitants, et enfin par la prise de photographies dans les logements avec les cohabitants. |
11:10 |
Aide aux aidants et vieillesse plurielle au Maroc : entre émergence d'un marché et accroissement des inégalités ?
* Muriel Sajoux, Université de Tours, UMR 7324 CITERES (CItés TERritoires Environnement et Sociétés), France Mohammed Amar, Ecole Nationale dAgriculture de Meknès, Chercheur associé de lÉquipe Monde arabe et Méditerranée (EMAM) de lUMR CITERES, Morocco Après une forte expansion démographique au cours du 20ème siècle, le Maroc a abordé le 21ème en voyant se profiler le vieillissement de sa population. La famille et la société marocaines ont connu de profondes évolutions au cours des dernières décennies : forte élévation de l’âge moyen au premier mariage, baisse de l’endogamie familiale même si elle reste toujours présente, célibat définitif en augmentation, baisse de la fécondité et diffusion du modèle de famille restreinte. Parallèlement, les modes de vie se sont transformés du fait de l’urbanisation, de forts progrès en matière de scolarisation et de régression de l’analphabétisme, de la participation accrue des femmes au marché du travail. Les solidarités familiales, encore indéniablement fortes au Maroc, se sont elles aussi transformées et composent avec des contraintes qui se complexifient. En matière de soutien à apporter aux aînés qui en ont besoin, des tensions peuvent apparaître entre ce qui est socialement et moralement attendu des individus et ce qu’ils sont réellement en capacité de mettre en œuvre. En effet, que ce soit en raison du manque de disponibilité ou de moyens financiers insuffisants, ou bien encore d’un manque de connaissances et compétences, il n’est pas rare que des proches de personnes âgées en perte d’autonomie ne soient pas en mesure de leur apporter le soutien dont elles auraient besoin. Ces proches sont alors dans l’impossibilité d’endosser complètement le rôle qu’ils auraient idéalement pensé pouvoir jouer, et que les normes sociales leur assignent, en tant que soutien de leur(s) parent(s) âgé(s). Dans ce contexte, nous nous interrogeons sur le fait de savoir dans quelle mesure le développement de services destinés aux personnes âgées en perte d’autonomie et à leurs familles contribue à soutenir les proches aidants tout en répondant de manière plus adaptée aux besoins des aînés aidés. Pour ce faire, nous nous sommes appuyés sur une revue de littérature, sur un travail de recherche documentaire et sur la réalisation et l’analyse d’entretiens avec des acteurs clés - responsables ministériels, responsables d’associations, responsables de sociétés de services - et d’entretiens approfondis réalisés auprès d’aidants familiaux et de professionnels de terrain. |
11:30 |
Faire grand-parentalité avec les technologies numériques : rituels en ligne, négociations et compromis entre les Parisien-ne-s âgé-e-s et leur famille
* Sophie Colas, Université de Lille, France et KU Leuven, Belgique, Belgium Cette communication examine les manières dont les Parisien-ne-s âgé-e-s et leur famille élaborent des rituels, des négociations et des compromis pour 'être en ligne ensemble', (re)modelant ainsi la pratique de la (grande)parentalité. Pour ce faire, je m'appuie sur 16 mois de travail de terrain ethnographique mené auprès de personnes de plus de 75 ans vivant à Paris et dans sa banlieue proche entre 2020 et 2022. Mes interlocuteur-trice-s de recherche ont souvent été confronté-e-s tardivement à la technologie numérique au cours de leur vie, tandis que leurs jeunes parents ont davantage grandi dans une culture numérique. Ils ne partagent pas toujours les mêmes codes, compétences et habitudes que leurs jeunes parents quand il s'agit de naviguer dans l'environnement numérique. Ces différences créent un espace dans lequel mes interlocuteur-trice-s et leurs jeunes parents doivent apprendre à être en ligne ensemble. Dans cette communication, je mets en lumière les pratiques, telles que les rituels et les connexions, que les parisien-ne-s âgé-e-s et leurs jeunes parents co-créent grâce à la technologie numérique, et comment ces pratiques, ainsi que les frictions et compromis qui en résultent, remodèlent leur rapport de parenté, en particulier la manière dont la (grande)parentalité est (dé)faite. Ce faisant, je dialogue avec les débats anthropologiques existants sur la technologie numérique et la parenté, en intégrant les discussions existantes sur la technologie numérique et le vieillissement. Alors que le premier corpus de littérature s'est concentré sur les façons dont le faire famille, notamment le fait d'être ensemble ou de prendre soin, est produite avec et par les technologies numériques (par exemple, Baldassar et al., 2016 ; Madianou, 2016 ; Ahlin, 2018), peu d'attention a été accordée aux pratiques que les personnes âgées et leurs jeunes parents établissent et ajustent mutuellement pour apprendre à être en ligne ensemble. Cet article se concentre sur ces ajustements technologiques, les (in)compréhensions mutuelles et les compromis. |